La journée du RERA 2020

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Une réunion au Museum d'Histoire Naturelle de Genève

Le Réseau des Entomologistes Rhône-Alpins (RERA) s’est déjà réuni par le passé à Genève. La réunion de cette année a pu se tenir le samedi 10 octobre 2020 au Muséum d’Histoire Naturelle de Genève grâce au dynamisme, au travail et à l’opiniâtreté, en temps de Covid 19, de l’organisateur, Mickaël BLANC, bien connu des entomologistes de ROSALIA. Mickaël est collaborateur « invertébrés » au Muséum de Genève. Nous voulons, très chaleureusement, le remercier ici. Cette réunion est l’occasion d’entretenir les liens entre entomologistes de Rhône-Alpes (au sens large) et plusieurs chercheurs du Muséum, ce qui est source d’enrichissement mutuel.

Nous étions plusieurs membres de ROSALIA à participer à ce rendez-vous annuel du RERA dont Gérard COLLOMB, Jacques DALMON, Gilles DESRUMAUX, Jean-Louis OLLAGNON, Philippe RICHOUX, Rémy SAURAT. Une soixantaine de personnes au total a participé à cette journée.

Dans son introduction, Mickaël BLANC a posé la question de l’extension du RERA à l'Auvergne. Des contacts seront pris en ce sens.

Voici présentées et rapidement résumées les différentes communications.

Rera geneve

La phylogénie et l’évolution des Carabinae par Emmanuel TOUSSAINT.

La phylogénie recherchée est obtenue par une méthode de biologie moléculaire dénommée HYRAD-X. Cette méthode est dite non destructive et permet d’utiliser des spécimens frais et des exemplaires anciens du muséum. Un focus est fait sur le genre Carabus qui est considéré comme monophylétique. Les travaux montrent que la divergence entre les sous-genres de Carabus date d’environ de -40 millions d’années BP, donc bien antérieurement aux dernières glaciations. Le projet est de séquencer une centaine d’individus appartenant au sous-genre Platycarabus (espèces orophyles) afin de retracer l’histoire évolutive de 5 espèces C. irregularis, C. depressus, C. creutzeri, C. cychroides, C. fabricii. Ces espèces présentant des formes de cychrisation (hélicophagie), une coévolution éventuelle avec les escargots sera recherchée.

Carabus problematicus et auritorens
Carabus (Mesocarabus) problématicus et Carabus (Chrysocarabus) auronitens, Coléoptères, Carabidae, Club ROSALIA, 2017, Col du Coq, -Saint-Pierre-de-Charteuse (Isère)

Deux autres sous-genres de Carabus.

Sur quelques Cryptocéphales rares et/ou décoratifs pour donner envie de s’intéresser encore plus à ces ravissants Chrysomélidae par Hervé BOUYON.

Cryptocephalus sp gc
Cryptocephalus sp. Chrysomelidae, Coleoptera, Gérard Collomb, 13/7/2008, Aiglun 04.
Hervé BOUYON nous annonce la parution prochaine d’un ouvrage (auteurs : Pierre CANTOT et Hervé BOUYON) sur les Cryptocephalus et Eumolpinae dans la lignée des ouvrages parus sur les Chrysomelinae. Celui-ci traitera d’environ 120 espèces et proposera des clés pour les genres d’Eumolpinae, les sous-genres de Cryptocephalus (Burlinius, Cryptocephalus, Heterichnius, Disopus, Pertuisanus). Beaucoup d’espèces sont souvent difficiles à déterminer. Hervé BOUYON nous présente ensuite quelques photos d’espèces remarquables de ces sous-genres de Cryptocephalus et genres d’Eumolpinae. Il nous parle également du site participatif Inaturalist

Les types primaires de Lépidoptères du Muséum de Genève par Bernard LANDRY.

Le contexte de l’étude menée dans un musée de plus de 200 ans d’âge est d’identifier les "types" des espèces présentes dans les collections et de les isoler du reste des collections où elles sont aujourd’hui disséminées. Ceci dans un souci de protection de ces espèces types. Elles sont conservées dans l’alcool, ce qui pose un problème de sécurité. Il y a en tout 40 tonnes d’alcool dans le Musée de Genève ! Celui-ci est classé comme établissement à risques majeurs de type Seveso. Il y a environ 431 types primaires de Lépidoptères recensés au Musée de Genève dont 391 holotypes, 40 syntypes. Un holotype est le spécimen type ayant permis de définir et décrire une catégorie spécifique dans la classification des organismes vivants. Un syntype désigne chacun des spécimens d’une série dans laquelle aucun holotype n’a été défini lors de la définition d’une espèce.

37 familles sont concernées, dont les Noctuidae (environ 100 types, les Pyralidae (environ 80 types), les Erebidae (environ 40 types), les Nymphilidae (environ 40 types). 176 types sont d’origine afro-tropicale, 126 d’origine paléarctique, une centaine d'origine tropicale hors Afrique. Bernard LANDRY fait, ensuite, le tour des principales collections et des entomologistes dénominateurs dont les types sont issus. Ces types seront stockés dans une annexe du musée dénommée « Ambre ». Il indique que ce travail serait impossible à faire pour d’autres ordres d’insectes en raison de la complexité de la tâche et du manque de place : plusieurs milliers de types pour les hyménoptères, et plus de 1100 holotypes pour les coléoptères !

Quelques noms d'entomologistes dont la collection a été utilisée pour cette étude : Louis JURINE (1751-1819), chirurgien naturaliste ; Jean ROMIEUX (1893-1951), mort à Marseille, il fut géologue au Tonkin ; Jacques PLANTE.

Mniotype aulombardi noctuidae
Mniotype aulombardi, Plante, 1994, Lépidoptère, Noctuae, photo HSU HONG LIN
J
acques PLANTE, parolier, est notamment l'auteur de La Bohème et Les comédiens, chansons interprètées par Charles AZNAVOUR. Passionné d'entomologie, il effectue des missions de terrain, publie de nombreux articles et décrit plusieurs dizaines de papillons de nuit. Sa collection, comptant près de 160 000 spécimens de Lépidoptères, est conservée au Muséum d'Histoire Naturelle de Genève.

(Informations et photo tirées de Wikipedia)

L’hétéroptérologie en Savoie et (Auvergne) Rhône-Alpes : vers une organisation sous l’égide de l’association Zicrona par André MIQUET.

Le projet du Conservatoire d’Espaces Naturels (CEN) de Savoie est de mettre en lumière l’importance des punaises trop souvent oubliées par les entomologistes. Il a lancé en Savoie une enquête participative sur les punaises dans le cadre de l’application « INPN espèces » du Muséum d’Histoire Naturelle. André MIQUET rappelle que les hétéroptères représentent 1500 espèces à l’échelle nationale et que 474 espèces ont été détectées en Savoie. Un catalogue des punaises de Savoie est en ligne.


André MIQUET estime que les punaises aquatiques sont l’angle mort de l’hétéroptérologie en France. La mise en place du groupe OPIE/Benthos de l’OPIE viendra peut-être combler cette lacune. Le CEN voudrait structurer un réseau régional d’entomologistes autour des hétéroptères. Seulement 4 réponses lui sont parvenues à ce jour à la suite de son appel. Il voudrait élargir ce réseau du côté de l’Auvergne avec peut-être la Société Entomologiste d’Auvergne (SEA). Il souhaiterait aboutir à l’édition d’un catalogue régional des Pentatomoidea sous l’égide de Zicrona, association française des hétéroptéristes. Il est rappelé l’existence du volume 1 de l’ouvrage de Valeriu DERJANSCHI et Jean PERICART en 2015 sur les Pentatomoidea (Faune de France 90). Par ailleurs, Hervé BOUYON indique qu’un ouvrage est en cours de parution aux Faunes de France sur les Miridae. André MIQUEL a conclu son intervention par un vibrant appel : « Il ne faut plus s’asseoir sur les punaises ! »

Résultat de l’étude ATBI des coléoptères saproxyliques de la réserve intégrale du Lauvitel (Isère) par Benoit DODELIN.

La réserve intégrale du Lauvitel, commune de Bourg d’Oisans, a été créée en 1995 et elle s’étend sur une surface de 689 ha. Elle s’étale de l’altitude de 1500 m (niveau du lac) à 3100m, niveau des névés et glaciers. L’accès en est difficile et doit se faire en bateau sur le lac. La forêt dans le périmètre de la réserve est composée d’épicéas et il n’y a plus aucun travail sur celle-ci depuis 1920. Elle est riche en bois mort par endroits. Les autres habitats sont le lac, la pelouse, les névés et des pierriers. Le projet ATBI (All Taxa Biodiversity Inventory) est d’inventorier tout le vivant dans un espace. L’ATBI du Lauvitel a débuté en 2013. A ce jour, il a été inventorié 523 plantes vasculaires, 488 papillons, 285 champignons, 208 lichens, 109 hyménoptères et 29 mammifères. Les travaux sur les coléoptères du Lauvitel datent de 27 ans. Ils ont commencé avec Jacques COULON en 1993 puis se sont poursuivis avec Bruno DODELIN, Fred CHEVAILLOT, Hervé BOUYON, Rémy SAURAT. La logistique et les collectes sont assurées par le Parc National des Ecrins. Les techniques d’inventaire utilisées : chasse à vue, pièges Barber, pièges vitre, pièges colorés (cela a mal marché), chasses aux UV, tamisage de litière. Le bilan : 6 000 spécimens récoltés dont 75% ont été identifiés. Ils représentent 411 espèces dans la réserve et 425 espèces dans la réserve et ses abords. Des espèces classiques d’altitude ont été récoltées comme des Carabidae du genre Nebria. D’autres espèces peu fréquentes ont été trouvées et notamment : Coccinella magnifica, myrmécophile (Formica rufa) ; Sphaerites glabratus (Fabricius, 1792)- Hydrophiloidea, Sphaeritidae- ; Leptinus testaceus P.W. Müller, 1817 – Staphylinoidea, Leiodidae- ; Cyrtanaspis phalerata (Germar, 1847) – Tenebrionoidea, Scraptiidae. Quelques nouveautés en Isère : Drycoetes alni (Georg, 1856)- Scolytinae- ; Ptinus coarcticollis Sturm 1837 -Ptinidae- ; Corticarina parvula (Mannerheim, 1844)-Cucujoidea, Latridiidae. Les limites de l’étude : détermination, techniques, milieux négligés (mousses), diversité des pièges, limites du terrain (falaises). Il faut noter la montée en puissance des ATBI, car elle fournit des références et permet de trouver des espèces nouvelles. Il est à signaler une faune aquatique faible, probablement en raison du très grand battement du lac : il a une profondeur de 40 mètres et le battement est de 20 mètres.

Lire également l'Etude sur les ATBI d'ABERLENC, BLANDIN et alii qui mentionne l’inventaire en cours de réalisation au Lauvitel.

En complément, Benoit DODELIN & Benjamin CALMONT réalisent actuellement la liste rouge des coléoptères saproxyliques d'AuRA.

Pôle Invertébrés d’Auvergne-Rhône-Alpes, un outil au service du partage de la connaissance pour la préservation de la petite faune par Donovan MAILLARD et Yann BAILLET.

Pole invertebre rhone alpes

Le pôle invertébrés d’Auvergne-Rhône-Alpes est porté par l’association FLAVIA, projet mené avec la DREAL dans le cadre de deux actions : « Observatoire de la biodiversité en Auvergne-Rhône-Alpes » et « Système d’Information sur l’iNventaire du Patrimoine Naturel » (SINP). Le pôle invertébrés concerne tous les invertébrés. Ses objectifs sont de créer une dynamique autour de la thématique, accompagner les projets et apporter un appui technique, mettre en commun les travaux et connaissances de chacun. Pour ce faire, il veut développer un moteur de recherche au sein du réseau d’acteurs qui travaillent avec la faune invertébrée de la région et un outil scientifique pour partager l’information sur la faune invertébrée dans notre région. Le pôle veut privilégier un fonctionnement en réseau. Les outils développés sont en Open Data et un outil de requête est à disposition. L’outil mis en place est Geonature utilisé par les parcs nationaux et des réserves naturelles. On constate beaucoup de flux de données d’un partenaire à l’autre. Le pôle compte déjà 41 adhérents et un appel est lancé pour rejoindre le réseau. Nous vous conseillons la visite du site internet du pôle invertébrés

Contribution au catalogue des coléoptères de Suisse par Yannick CHITTARO et Andreas SANCHEZ

Info fauna

En matière de catalogue des coléoptères de Suisse, il existe quelques anciennes synthèses peu utilisables, des travaux plus récents mais partiels. Un ancien projet de catalogue porté par Claude BESUCHET pose la question de la réidentification du matériel. L’élaboration d’un catalogue questionne : qu’est-ce qu’une espèce suisse ? Quand peut-on considérer une espèce comme suisse ? En effet, nombre de données sont douteuses pour plusieurs raisons : données sources invérifiables (uniquement littérature), déterminations erronées, collections problématiques, espèces d’origine inconnue attribuées à la Suisse (localités citées, quelquefois imprécises, reprises systématiquement dans des collections), double étiquetage, confusion origine/lieu de dépôt, localités indiquées hors Suisse (copies erronées du nom de la localité d’origine - exemple Nyon, en Suisse devenant Nyons en France), incohérences chorologiques ou écologiques (exemple : Agrilus élégans Mulsant et Rey, 1863).  Il s’agit maintenant de compléter ce travail par un relevé de littérature, le relevé de toutes les collections muséales et privées, le relevé des catalogues. Ce travail devrait aboutir à alimenter la banque de données info fauna du Centre Suisse de Cartographie de la Faune (CSCF). Au total, sur 6341 espèces retenues, 55 familles et 1930 espèces ont été traitées (30%), listes sans distribution 20 familles, 2703 espèces (43%) , 15 familles et 338 espèces sont en cours de traitement (5%). Il reste à traiter 22 familles et 1370 espèces (22%). Vous pouvez consulter le site du catalogue des coléoptères de Suisse

Inventaires régionaux en Rhône-Alpes par Harold LABRIQUE

Le Musée des confluences est l’éditeur, avec la société linnéenne de Lyon, d’une collection sur les Coléoptères de Rhône-Alpes à laquelle ont contribué plusieurs membres du Club ROSALIA. Deux ouvrages sont en cours sur le modèle de l’ouvrage sur les « Dasytidae de France » de Robert CONSTANTIN et Gianfranco LIBERTI paru en 2011. Un ouvrage est prévu sur les Mycetophagidae (J.C. PRUDHOMME) et un autre sur les Meloidae et Ripiphoridae (Mickael DIERKENS et Cédric AUDIBERT coordinateurs). Le choix des groupes : des groupes rares et mal connus, disponibilité d’un expert local, collections suffisantes, participants actuels. Le choix des Meloidae : une famille en déclin en raison de son lien avec les Apoidea. Ces ouvrages feront un bilan faunistique et un état des populations des familles concernées, les espèces introduites et les espèces en progression géographique. Pour les Mycetophagidae50% des espèces sont rares ou très rares, avec des espèces disparues ou en extension. Pour les Ripiphoridae, 3 espèces sont citées et 5 espèces potentielles sont confirmées. Pour les Meloidae, pour 23 espèces citées, 21 sont confirmées, 2 sont invalidées. Pour 12 espèces potentielles, 7 sont confirmées. Il faut signaler que pour les Ripiphoridae, nous ne disposons que de 80 données en 150 ans !

 

Litargus s st connexus
Litargus (s.st.) connexus, Coléoptère, Mycetophagidae, Club ROSALIA, 2014, au battage, La Tuilerie, Saint Joseph de Rivière

Les collections muséales comme machines à remonter le temps : le déclin des insectes au XXe siècle par Ines CARRASQUER

Gbif

Cette recherche, portée par le Museum de Genève, s’inscrit dans un projet du nom de "decliN" qui a pour but de retracer le déclin des populations d’insectes. Un déclin qui peut se mesurer en termes d’abondance, de biomasse, de biodiversité. La plupart des études montrent une baisse de la biomasse, mais qu’en est-il de la biodiversité ? La recherche a pour but de mesurer le déclin des insectes en biodiversité au moyen d’analyses génétiques et l’utilisation des collections muséales. Sur le milliard de spécimens conservés dans le monde, les critères de sélection ont été : une bonne représentation et la présence dans les milieux agricoles. 12 espèces ont été ciblées et codées selon les données du Global Biodiversity Information Facility, le GBIF Ce système mondial d’information sur la biodiversité est un réseau international et une infrastructure de recherche ayant pour but de fournir à tous et partout un accès libre aux données sur toutes les formes de vie sur Terre. Un échantillonnage a été fait sur la base duquel il a été procédé à une extraction d’ADN selon la méthode HYRAD-X déjà évoquée dans la première intervention. Il a été mis en évidence des indices de corrélation de la biodiversité : la diversité génétique, le coefficient de consanguinité, la taille efficace, la connectivité des populations. Un exemple est donné sur Erebia embla (Nymphalidae). Pour les espèces présentes dans le milieu agricole, l’objectif est de mesurer l’impact des pesticides. Un biais méthodologique est que les espèces ciblées sont des espèces banales, peu présentes dans les collections muséales. Cette étude pose également une question épistémologique : qu’est-ce qu’une population ?

Une journée du RERA riche en enseignements

En conclusion de la journée, Mickaël BLANC, après avoir remercié les participants, pose la question du lieu de la prochaine réunion du RERA. Après une rapide discussion, la possibilité d’une réunion à Chambéry avec un accueil par le CEN Savoie est évoqué. André MIQUET va soumettre cette proposition pour accord.

Donc une journée du RERA très riche en enseignements par la diversité des sujets abordés, par la qualité des intervenants et des participants et aussi par la pertinence des questions que cette rencontre pose aux membres du Club ROSALIA et au RERA.

Date de dernière mise à jour : 20/01/2021

Commentaires

  • Bellut

    1 Bellut Le 17/07/2023

    Bonjour,
    Pouvez-vous me donner une adresse mail récente pour le RERA afin de vous faire part d'une publication récente de la Société de Sciences Naturelles Loire Forez sur les papillons de jour du département de la Loire ?
    Merci d'avance.
    Le comité de rédaction de la SSNLF

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